6 juin, 2024
Augmentation de la traite des personnes pendant le Grand Prix : Un mythe qui met les travailleuses du sexe en danger
Jenn Clamen, Coordonnatrice à la mobilisation et communications et Sandra Wesley, Directrice générale
Stella, l’amie de Maimie
Chaque année, pendant le Grand Prix tout le Québec est exposé à une hystérie qui entraîne non seulement une vague de sentiments anti-travail du sexe, mais qui cause une vague de répression et surveillance policières accrues qui causent des torts aux travailleuses du sexe.
Le lancement des campagnes annuelles de la part des prohibitionnistes anti-travail du sexe crée une culture de peur et repose sur des allégations exagérées et infondées d’une augmentation de la traite des personnes et de l’ « exploitation sexuelle » ou parfois juste de l’offre de services sexuels.
Ces allégations ont un impact énorme sur la santé et la sécurité des travailleuses du sexe, incluant de causer de la violence et l’exploitation. Les travailleuses du sexe qui exercent à l’extérieur et qui sont déjà sur-surveillées et sous-protégées par les forces de l’ordre sont victimes de harcèlement et de profilage dans le but de les faire disparaître de l’espace public. Les travailleuses du sexe qui travaillent à l’intérieur subissent des descentes et des « visites » supplémentaires de la part de la police sous le prétexte d’assurer une « sécurité ». Dans les deux cas, les travailleuses du sexe doivent chercher des façons de travailler qui évitent la police et qui nous mettent souvent plus à risque de violence ou de mauvaises conditions de travail. La répression policière est l’un des principaux facteurs de vulnérabilité à la violence et crée des barrières pour celles d’entre-nous qui aimeraient dénoncer ces crimes.
Malgré la panique morale créée par des campagnes de ce type, il existe une longue série d’études ancrées dans des données probantes qui démontre que l’augmentation de l’exploitation pendant les événements sportifs est un mythe.
En 2006, un rapport produit en Allemagne par les Nations Unies pour leur Objectifs de développement durable, intitulé Trafficking in Human Beings and the 2006 World Cup in Germany (La traite des personnes et la Coupe du monde 2006 en Allemagne), a démontré que, malgré les prévisions des militantes idéologiques, la traite des personnes n’avait pas augmenté pendant la Coupe du monde – une information importante dont les gens devraient tenir compte alors que l’Allemagne se prépare cette semaine pour l’UEFA EURO 2024. https://www.oecd-ilibrary.org/migration/trafficking-in-human-beings-and-the-2006-world-cup-in-germany_2fb3af8a-en.
De même, en 2007, lorsque Vancouver a accueilli les Jeux olympiques d’hiver de 2010, une publication financée par le gouvernement a démontré que la crainte d’une augmentation de la traite était « incompatible avec les preuves contenues dans ce document de recherche, selon lesquelles la traite et les méga-événements ne sont pas liés ». https://www.publicsafety.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/wntr-gms-2010/index-en.aspx
En 2011, l’Alliance mondiale contre la traite des femmes (GAATW) a publié un rapport intitulé What’s the Cost of a Rumour? (Quel est le coût d’une rumeur?) afin de démontrer non seulement l’énorme gaspillage de fonds qui sert à propager les mythes sur les événements sportifs et l’augmentation de l’exploitation sexuelle – soit du financement gaspillé en campagnes publicitaires, en « nettoyages » répressifs des rues et en présence policière constante – mais aussi les préjudices causés aux communautés les plus marginalisées de l’industrie du sexe qui sont déjà sur-surveillées et font l’objet d’un profilage social et racial. Leur blog du 4 juin en prévision des Jeux Olympiques en France en juillet réitére « la nécessité de mettre fin aux réactions de “sauvetage” déplacées » http://www.gaatw.org/publications/WhatstheCostofaRumour.11.15.2011.pdf
Plus récemment, et localement à Montréal, en réponse aux allégations alarmistes annuelles anti-travail du sexe sur l’augmentation de l’exploitation sexuelle pendant l’événement sportif le plus célèbre de Montréal, la Formule 1, le Conseil des Montréalaises a étudié la question et a publié en 2021 un rapport intitulé « La sécurité des femmes pendant le Grand Prix de Formule 1 du Canada », qui déclarait : « les estimations souvent exagérées et alarmistes du nombre de victimes sont pour beaucoup une façon d’instrumentaliser le phénomène de la traite afin de justifier un renforcement des contrôles migratoires et des actions policières dirigées vers l’industrie du sexe et les populations marginalisées en général. » https://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/page/cons_montrealaises_fr/media/documents/conseil_montrealaises_faits_saillants-avis_traite_femmes_gp-web.pdf
Ce rapport cinglant expose l’agenda prohibitionniste et démantèle le mythe de l’augmentation de l’exploitation lors des événements sportifs à Montréal. Il dénonce également le rôle des médias dans la propagation de informations non fondées sur le Grand Prix.
La prohibition se nourrit de la peur et des paniques morales. Le coût en est élevé : l’argent public de tous les paliers de gouvernement, les forces de l’ordre et les ressources qui sont nécessaires ailleurs sont détournés vers la recherche d’une exploitation qui n’existe pas. Et les personnes qui paient le prix par une répression accrue sont les travailleuses du sexe les plus marginalisées de nos communautés. Si on veut que la violence cesse, il faut respecter des droits. Cet objectif commence avec la décriminalisation du travail du sexe.