Pute de rue, de Roxane Nadeau, est un premier roman à caractère largement autobiographique. Dénonçant la violence et le harcèlement policier dont les prostituées sont victimes, cette rescapée de la rue, qui milite activement dans des organisations de défense des travailleuses du sexe, refuse qu’on la confonde avec son personnage. Roxane a un discours. Vicky a une parole, dit-elle.
Cette parole ne manque pas de souffle. Long monologue intérieur livré au rythme d’un trip de cocaïne, ce roman est aussi un interminable cri. Le cri de souffrance d’une femme qui a mal aux pieds à force de faire le trottoir, qui ne prend pas un bain tous les jours, qui oublie souvent de manger et qui vit en constant état de manque, en attendant le prochain client, le prochain vingt “piasses” qui lui permettra d’acheter sa dose. Une femme pourtant qui clame sa liberté. “On dirait qu’y en a qui disent (…) qu’à force de manger des volées, on va finir par comprendre que c’est dégueulasse et dégradant de faire la rue. Mais c’est dégradant pour qui ? Pourquoi ? Pour votre conscience ? Pour votre belle pelouse ? J’aime ça, moi, faire la rue !”
On pourra reprocher à Roxane Nadeau toutes sortes d’imperfections, mais nulle fausse pudeur. C’est toute crue qu’elle nous sert la réalité de la rue, celle dont on tente parfois de deviner les contours et les motifs en observant, du coin de l’œil, une Vicky en devoir sur son trottoir. —Marie-Claude Bourdon